Ghislain LAFONT: Imaginer l'Eglise catholique, (série Théologies) Cerf, Paris 1995, 286 pp. 160 F.
L'auteur utilise une nouvelle méthode en théologie: celle de l'imaginaire, celle de l'imagination. C'est d'autant plus audacieux comme méthode que le christianisme ( et l'Eglise catholique) est ancré dans l'histoire: dans l'histoire tout court aussi bien que dans l'histoire des idées (doctrines), mais en même temps dans l'histoire des pratiques (religieuses) mais au-delà il faut aussi souligner l'histoire d'un fait invisible, celui de la grâce qui traverse l'humanité et l'Eglise et qui, par définition, est insaisissable à la perception et à l'analyse historique et qui relève du domaine du 'méta-historique'.
L'auteur est malade du 2e millénaire du christianisme (de l'Eglise): en vue d'une nouvelle évangélisation, il faut tout changer (concrètement). Il déplore le divorce entre l'Eglise et la 'modernité'.
Il entreprend la même chose que Bultmann qui, en 'démythologisant' les sources du Christianisme - c'est-à-dire les Ecritures -, pensait achever une oeuvre éminemment "pastorale" et croyait par là rendre le message chrétien 'intelligible' et plus proche de ses contemporains. On sait les résultats de son entreprise, dont les effets gnoséologiques et pastoraux, avec bien des retards, se font sentir dans l'Eglise 'catholique' et qui ont amené une mise en cause systématique de toute la doctrine traditionnelle par ses adeptes. Dom L. entreprend quelque chose d'analogue, cette fois-ci sur le plan de l'institution' même de l'Eglise catholique. Entre parenthèses, au lieu de 'privilégier' l'Eglise catholique (romaine!) il eut été intéressant d'élargir son entreprise de démythologisation 'institutionnelle' aux autres églises aussi et se demander dans quelle mesure les églises non catholiques et non-romaines ont aussi des difficultés considérables d'affronter ce que L. appelle 'la modernité'. Quand on voit que de nos jours par ex. en Allemagne des chrétiens quittent massivement non seulement l'Eglise catholique mais encore davantage l'Eglise luthérienne - dont par ailleurs la structure est essentiellement différente de celle de l'Eglise catholique "romaine" - on peut se demander si la méthode par imagination de L. apporte vraiment une solution des problèmes qui le préoccupe. Par ailleurs, l'apostasie massive des Catholiques en Allemagne est imputée par les évêques aux 'théologiens'... qui remettent tout en cause...
Disons tout de suite que le défaut capital et l'erreur fondamentale de L. est précisément de croire - ainsi que cela s'est passé avec le communisme et le socialisme - qu'il suffit de changer les structures de la société (civile ou occidentale) pour que les choses aillent mieux... Quelle que soit la structure de la société, l'homme ne changera pas. Malgré la 'démocratie', on voit devant nos yeux à quel point le 'peuple' qui selon cette idéologie est censé être détenteur du pouvoir, est ignoré, bafoué, exploité, manipulé par des groupuscules de pression. Vouloir baser tout sur le 'peuple' n'est pas une panacée universelle, d'autant plus que ceux qui, 'périodiquement' et sous la pression des événements, veulent 'rendre le pouvoir' au peuple, en abusent royalement. C'est finalement le discours démagogique qui primera et qui décidera de tout.
L. dans sa méthode par imagination insiste fondamentalement sur les charismes. C'est apparemment la panaché 'démocratique' de l'Eglise. Et surtout sur les charismes du 'peuple'. Quand les évêques seront 'élus' par le 'peuple' tout ira mieux. De toute façon, au point de vue pastorale et d'évangélisation, croire qu'en changeant les structures de la Curie romaine et des conférences épiscopales, l'évangile sera mieux annoncé et surtout mieux écouté relève de la pure imagination utopistique. L'annonce de l'évangile et son efficacité demeurent un mystère qu'aucun artifice humain ne peut déterminer. ('Non humanae sapientiae verbis...') Bien au contraire, l'histoire de l'Eglise montre que c'est l'exemple des grands Saints qui rend toujours efficace l'évangélisation, des Saints qui, 'insoucieux des structures' s'attaquent à eux-mêmes et qui, par leur effort d'union intime avec le Christ, transforment le monde à la manière du levain.
La présentation de l'antagonisme entre l'Eglise et la 'modernité' par une simple opposition structurelle trahit l'ignorance du vrai déroulement de l'histoire où le 'Malin' est toujours présent et qui est en lutte permanente avec l'Eglise par tous les moyens et sur tous les fronts. La récapitulation de l'histoire dans la perspective augustinienne des deux Cités est infiniment plus juste que la juxtaposition ou la simple opposition de la 'structure' de l'Eglise avec celle de la modernité. N'oublions pas combien l'Abbé Pierre fut chahuté dans les médias lorsqu'il osa parler de 'fidélité' et que par contre, Jacques Gaillot est 'caressé' par les mêmes médias parce qu'il 'prêche' d'une façon impeccable et 'infaillible' dans le sens proposé par les détenteurs des pouvoirs médiatiques. Ce cas récent montre aussi que l'évangélisation n'est pas simplement une question de structure, ou une question de changement structurel... (L'abbé Pierre et Jacques Gaillot chantent toujours 'extra chorum', ils ne se sentent point liés par les 'structures'...).
Il y a là quelque chose de plus profond, le 'mysterium iniquitatis' qui, mêmes si nous imaginons les meilleurs structures possibles dans ce monde, fera immanquablement sa réapparition. Les abus qui de nos jours remontent partout à la surface dans la société contemporaine nous incitent aussi à une prudence en ce qui concerne l'absolutisation des 'meilleures structures': l'homme malin - grâce à son imagination - trouvera toujours la possibilité d'en tirer le meilleur profit pour lui-même en sacrifiant même ses plus proches. Croire que le changement structurel résoudra les problèmes - les problèmes des abus-, est signe d'une grande naïveté devant l'enseignement perpétuel de l'histoire qui démontre au contraire la présence permanente à toutes les époques et dans tous les lieux du Mal. Il fallait le système politique le plus perfectionné de la 'modernité', la démocratie pour 'organiser' la guerre du Golf avec tous les moyens militaires, politique et médiatiques, donc structure (presque?) parfaite... Et le résultat? Plus de 70 000 Gis demandent en vain aux 'autorités' militaires leur examen médical pour déceler et diagnostiquer les maux mystérieux dont ils sont atteints depuis leurs présence dans le Golf.
Des ecclésiastiques tombent aussi dans les pièges du marxisme mondial qui, pour résoudre les problèmes (et surtout pour conquérir et asseoir définitivement son pouvoir) demande le changement, avant tout le changement structurel, le changement de la société ('Il faut que ça change'..., 'Changeons la société'...). L. réhabilite le marxisme en réhabilitant les 'Théologies de la libération', en réhabilitant la 'relecture' du message chrétien. Ici, sa tendance démytholigisatrice par l'imaginaire des structures rejoint la tendance démytholigisatrice du 'message'.
Dans son procédé démythologisateur par l'imaginaire des structures de l'Eglise catholique, L. essaie de donner une infrastructure et une armature philosophique à son entreprise: ce sont ses vues concernant la philosophie platonicienne et aristotélicienne (mais surtout platonicienne) da la vérité et la pensée 'hiérarchisante' du néoplatonisme, notamment du Pseudo-Denys. On pourrait lui objecter, ne serait-ce que sur le plan de la seule histoire des idées, que le structuralisme (pensée structurante, hiérarchisante ...) faisait sa réapparition même dans la modernité la plus moderne, à savoir le structuralisme. Pensons aussi à Jaspers dont l'oeuvre est profondément influencée par le néoplatonisme. L. pose mal le problème. Le problème n'est pas de savoir si - oui ou non - l'Eglise romaine dans le 2e millénaire de son histoire fut influencée par la vision hiérarchique et structurante du néoplatonisme - encore faut-il prouver si cela est vrai au point de vue purement historique - mais de savoir si, par hasard, la vision hiérarchisante du néoplatonisme n'a pas saisi et explicité quelque chose qui existe quand même dans le réel. Faut-il tout niveler? Peut-on tout niveler? N'y a t-il pas une 'hiérarchie des valeurs'? Une pierre, un être vivant 'animal', un être doué de raison, ont-ils tous la même 'valeur'? La structure hiérarchisante de 'esse, vivere, intelligere' n'est-elle pas le reflet du réel que nous expérimentons quotidiennement?
Faut-il nier l'existence des valeurs? Et dès lors que l'on admet l'existence des valeurs, ont est amené logiquement à admettre des hiérarchies, des 'degrés', des 'priorités', des 'urgences' comme on dit pudiquement dans le langage 'démocratique'. La vie économique la plus moderne, la politique de la modernité ou du post-moderne ne peuvent pas se passer de l'affirmation des valeurs bien 'hiérarchisées'. Donc si la hiérarchie (des valeurs) fait partie du réel, on ne peut pas reprocher à l'Eglise de respecter cette réalité dans la mesure où l'Eglise vit dans ce monde (réel) même si elle "n'est pas de ce monde".
D'autre part, L. oublie que le Pseudo-Denys dont il dénonce l'influence néfaste et désastreuse dans l'Eglise du 2e millénaire, s'est inspiré fondamentalement des Ecritures. Le Corpus Dionysianum n'est pas que du 'néoplatonisme...' Il faudrait aussi montrer, cas par cas, la 'mauvaise' influence de la pensée hiérarchisante du néoplatonisme (et du Platon en dernière analyse). Mais justement au sujet de Platon, il y a des soupçons historiquement fondés que lui-même aurait subi l'influence de la Révélation lors de son séjour en Egypte... Je préfère m'abstenir d'une interprétation par trop exclusive de n'importe quel système de pensée: je crois, car je constate partout, l'interpénétration culturelle, l'interpénétration des pensées. Le platonisme 'pur', le 'néoplatonisme pur' sont des abstractions (des entités 'imaginaires') qui, dans la réalité, désignent des réalités infiniment plus complexes, résultats d'influences multiples et diverses.
L. veut réhabiliter les anciennes hérétiques. C'est dommage qu'il mette sur le même pieds Origène et Porphyre. Ce dernier, loin d'être un chrétien, fut l'adversaire irréductible du Christianisme. Il faut aussi remarquer que la 'condamnation' d'Origène - loin d'être le fait de la Curie romaine - est un événement qui remonte au 3è siècle, donc de loin avant l'Eglise du 2e millénaire et donc bien avant l'apparition de l'esprit grégorien. La critique de la réforme grégorienne est par ailleurs à la mode, dont l'un des coryphées est précisément R. H. Bautier, président éminent de l'Association des historiens de France et adversaire irréductible de Auguste Fliche. En cela, il s'oppose radicalement aux jugement de A. Fliche qui a donné de la réforme grégorienne une interprétation positive. Mais, comme le dit H. Bautier, nos conceptions en matière d'histoire ont changé depuis...
Le plus grave dans le livre de L. est son colophone. Comme il a commencé par des considérations spéculatives (philosophico-théologiques), il termine aussi par des considérations proprement théologiques pour étayer définitivement ses positions. Il s'agit en effet de 'son' image de Dieu en quoi culmine sa démarche d'imagination de l'Eglise. Son imagination est mise au service des changements, des changements radicaux pour rendre l'Eglise crédible... aux yeux de nos contemporains. Déjà le fait de poser le problème dans cette perspective est suspect. La crédibilité de l'Eglise dépend de quoi? Elle ne dépend pas des structures, mais de sa vie authentique de sainteté, de la vie authentiquement sainte de ses membres. On ne peut quand même pas prétendre que l'Eglise du deuxième millénaire, 'malgré sa structure', n'aie pas produit des héros de la sainteté jusqu'au Martyre. Par ailleurs, même pendant les trois premiers siècles, l'Eglise primitive a dû affronter les pires persécutions, et cela précisément dans l'absence, selon l'hypothèse de L., de toute structure qu'il considère comme préjudiciable pour le 2e millénaire. La crédibilité de l'Eglise, donc sa relation avec le 'monde' n'est pas l'effet nécessaire de sa prétendue structure. Les disciples de Jésus furent persécutés et exclus des synagogues depuis toujours. La persécution continuelle des disciples de Jésus est annoncée par Jésus Lui-même. Donc les artifices humaines n'y entrent pour rien.
Etonnant aussi de relever ses considérations sur le mariage (et le 'remariage')...
Revenons encore au problème de la 'hiérarchie' dans le réel. A titre d'exemple, on pourrait se rappeler aussi les traces de la pensée hiérarchisante même chez les adeptes du marxisme: l'infrastructure, la structure, l'épiphénomène...) Mais pour comprendre les fondements de la pensée hiérarchique ou hiérarchisante, il faut aller plus loin. Cela nécessite aussi bien des considérations logique que métaphysiques. Que fait, en effet, la pensée 'hiérarchique'? Elle affirme l'existence de l'ordre dans le réel. Elle décèle une double forme de l'ordre: l'ordre du 'chronos', irréversible, l'ordre des événements successifs qui, une fois passées, demeurent absolument irrécupérables dans la réalité, même si la réflexion, avec l'aide de la mémoire, est capable de les réassumer, de les reconstituer, de les évaluer, mais pas de les rendre réels, c'est à dire de les remettre dans l'ordre existentiel.
Il y a aussi un ordre qui est de dimension spatiale: les choses peuvent être superposées, elles doivent même être superposées. La construction d'un immeuble à plusieurs niveaux exige d'une part la distinction nette entre les niveaux mais, en plus, elle exige un ordre précis selon lequel les différents niveaux doivent être posés. On ne peut pas - physiquement - commencer la construction d'un immeuble par le 10e étage, mais par les fondations, sinon l'immeuble ne verra jamais le jour. Ici aussi nous trouvons un ordre qui est de plus irréversible. La pensée hiérarchisante apparaît aussi dans la conception et la réalisation de n'importe quel projet de l'homme: il faut d'abord concevoir le projet dans l'esprit, avec toute sa finalité et les moyens utiles et ou nécessaires à sa réalisation, avant de le mettre en route. Et la mise en route doit suivre aussi un ordre précis: il faut recourir aux moyens selon un certain ordre bien déterminé pour parvenir à la pleine réalisation du projet. Celui qui veut réaliser une expérience dans un laboratoire de physique, de biologie ou d'informatique est astreint à suivre un ordre précis pour arriver à la réalisation de son projet de recherche. La hiérarchisation est une nécessitée imposée par le Réel et non pas par l'esprit ou simplement par la pensée néoplatonicienne du Pseudo-Denys. La hiérarchisation est également une nécessité inévitable dans la vie sociale, même en 'pure' démocratie; la hiérarchisation apparaît non seulement par l'existence d'un ordre verticale, mais également par un ordre de priorité (dans le temps); mais dès que l'on affirme la priorité d'un projet dans le temps, cela implique la reconnaissance de sa priorité 'hiérarchique', étant donné sa plus grand importance (donc grand, plus grand, le plus grand). C'est la pensée quantifiante de saint Anselme qui permet de saisir la nécessité d'admettre la hiérarchisation et la structuration hiérarchique de toutes choses existantes.
Je voudrais terminer par évoquer la notion de Dieu imaginée par L. (p. 276-277):
«J'ai souligné plus haut comment l'idée médiévale et moderne de Dieu était marquée par les attributs d'unité-unicité, immutabilité, toute-puissance, et j'ai présenté la notion générale de vérité qui leur était liée. Je ne crois pas qu'on puisse discuter la pertinence de ces attributs divins et je serais réservé devant des tentatives, comme il y en eu récemment ici ou là , qui se contenteraient de simplement renverser le langage et de parler de Dieu exclusivement sous l'angle inverse de la vulnérabilité, souffrance, humilité, ces attributs insolites étant mis sous le signe de la trinité. Il ne saurait s'agir de substituer certains attributs aux autres (puisqu'ils sont d'ailleurs tous attestés dans les Ecritures) mais, dans la mesure où nous le pouvons, de réconcilier ces contraires afin de les maintenir ensemble dans leur vivacité. Sans contester ce que la théologie classique a élaboré sur l'être et l'unité de Dieu, il faudrait faire un même travail sur l'amour de Dieu, au sens le plus fort du terme: que dit-on lorsqu'on dit 'Dieu est Amour'? ou encore, comment est-il possible d'attribuer à Dieu non seulement l'identité parfaite de soi à soi, mais l'altérité requise pour qu'il y ait échange, communion, don et accueil? Comment enfin articuler, à ce niveau de la communion, ce qui est intérieur à Dieu lui-même et ce qui existe entre Dieu et ce qui n'est pas Lui? Plus avant encore, que devons-nous dire d'abord de Dieu? Quel est, en ce qui concerne Dieu, l'ordre du langage, (la hiérarchie revient?) la juste succession des Noms divins? Ce n'est le lieu de revenir ici sur ces questions qui sont aujourd'hui (!) au centre de l'investigation théologique. Mais il est évident que, s'il y a évolution dans notre parler de Dieu, celui-ci entraîne une évolution dans notre parler du Christ, de l'Esprit et de l'Eglise et, comme je l'ai dit aussi, implique une notion plus nuancée de la vérité et de ses modes d'expression. Réciproquement une évolution dans notre pratique de la création et de l'Eglise est grosse d'une perception différente de Dieu. De la sorte, au coeur de nos discussions et recherches ecclésiologiques, c'est la confession de foi sur Dieu qui est en cause.» (Tiens, tiens!)
C'est donc la confession de foi sur Dieu qui est en cause. Il faudrait donc imaginer un nouveau 'dieu' qui fondrait finalement tout le processus de changement. Il faudrait donc, non pas un 'dieu hiérarchisant, immuable' à la manière du platonisme et du néoplatonisme, mais un 'dieu-pantha rhei' à la manière d'Héraclite. L'idéologie du changement, le "changer-pour-changer parce-qu'en-changeant-tout-devient-bon" est sous-jacente à tout l'ouvrage qui, en même temps est tissu de "bonnes intentions 'pastorales'". Mais tout cela pose un problème d'autorité radical. Qui devrons-nous suivre? Et de toute façon, il ne faut même pas être expert pour constater que tous les bouleversements que traverse le monde actuel sont dus à l'instabilité: instabilité des institutions, instabilité des forces (guerres), instabilité des 'politiques' (corruptions), instabilité de l'économie (les montées de fièvre continuelles de la bourse), l'instabilité familiale, avec, tout d'abord, l'instabilité psychologique, manque total de 'repères' stables et sûres aussi bien - mais avant tout - pour une génération de jeunes (que l'on a déjà déclarée sacrifiée, voir couverture du Nouvel Obs); instabilité de l'éducation, de l'enseignement. L'Education Nationale en France est en avant-garde à cet égard avec la déstabilisation 'organisée' des cerveaux de nos jeunes. On a changé en inventant de nouvelles méthodes pédagogiques et l'on voit le résultat désastreux. Le changement pour le changement est une idéologie perverse. Je me rappelle les paroles du pasteur protestant transmises par NBC et répétées plusieurs fois par l'assemblée: 'stability... stability... stability'. Sans stabilité, rien ne marche. Il y a des valeurs stables, comme il y a des structures stables inscrites dans la réalité même. La dégringolade arrive quand on ne veut pas le reconnaître par souci de l'idéologie du changement.
Pour que "l'Eglise" devienne crédible, il faut que je devienne moi-même crédible par mon témoignage. Il est facile de critiquer l'Eglise dont je suis censé faire partie comme membre. C'est moi-même qui dois changer et alors le visage de l'Eglise Une, Sainte, Catholique et Apostolique rayonnera par mes paroles et par mon comportement, bref, par ma vie.
Affaire Galilée: 'iniquité de la condamnation', p. 245-46, note 1:
«... pour que l'affaire Galilée soit vraiment réglée, ne faudrait-il pas que le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi se rende officiellement à l'église de la Minerve à Rome, y proclame solennellement l'erreur et peut être l'iniquité de la condamnation prononcée dans ce lieu même en 1632, et qu'il annule ainsi, éventuellement par un acte écrit gardant mémoire du fait, les mesures prises alors par l'Inquisition romaine?»
Cela rappelle les méditations de Maritain sur l'Eglise. Quant à l'affaire Galilée, je propose le cas 'Lavoisier'. D'autre part, les adeptes de la laïcité, 'dépositaires légaux et exclusifs de la rationalité' seront encore davantage en rage contre l'Eglise qui ose se revendiquer, s'approprier et 'usurper' la Rationalité et, ainsi, d'une manière 'posthume', ose prôner 'solennellement' sa réconciliation avec la 'science' et la 'Raison'. Quelle insolence de la part de l'Eglise! - Quand on me parle du cas Galilée, je me rappelle en mémoire la quantité d'erreurs judiciaires extrêmement graves dont sont coupables nos meilleurs 'démocraties', sans parler des condamnations sommaires des révolutions de notre siècle et même des exécutions sans condamnations judiciaires.. Du calme! Gardons les proportions. Et surtout ne faisons pas le jeux des ennemis de l'Eglise par notre naïveté.
(Les canonisations:) p. 232, note 1:
«On se réjouit de constater que les auteurs de la Nouvelle encyclopédie catholique Théo (Paris, 1989) ont consacré à la sainteté le chapitre initial du volume... et dès le début, ils procèdent, sans le dire, à une sorte de béatification spontanée: 'Aujourd'hui qui ne connaît Mère Teresa, Martin Luther King, Helder Camara, l'abbé Pierre, Oscar Romero, etc.... Teilhard de Chardin...Marthe Robin, Jean Rodhain, Robert Schumann, Albert Schweitzer, Edith Stein » (béatifiée depuis...)
Donc: canoniser les gens de leur vivant ainsi que je l'ai expliqué dans Cauchemar... Mais Mgr Jacques Gaillot manque encore sur la liste...
L. critique uniquement à partir de ses thèses (imaginaires) de l'histoire des idées. Mais d'autre part, quand il s'agit de la structure hiérarchique de l'Eglise et même de la vie religieuse, il omet toute référence scripturaire.
Au fond, ne s'agit-il pas d'une entreprise de déstabilisation et de démolition de l'Eglise de l'intérieur? Pour cette entreprise on a utilisé une vue critique de l'histoire des idées (conception platonicienne et aristotélicienne de la vérité) pour conclure à la nécessité de changer même notre idée de Dieu. L'imaginaire trouve son paroxysme par l'invention imaginaire d'un nouveau 'dieu' qui fonderait tout le reste de l'entreprise de démolition. L'entreprise de L. est dans la droite ligne des souhaits ardents de Abécassiz (Initiation à la pratique de la théologie...) qui nous demande de nous désolidariser totalement de toute notre théologie antérieure...
Il y a aussi dans cette entreprise de démolition larvée et bien intentionnée une certaine naïveté: croire qu'en épousant son temps (ou la modernité) et en 'embrassant' tout le monde et toutes les idéologies, l'Eglise sera embrassée par tout le monde (qu'elle 'deviendra plus crédible...') est une utopie. L'histoire a suffisamment montré que l'Eglise (authentique) sous toutes ses "formes" et sur tous les climats (ethniques ou sociaux) fut et est persécutée! Pensons seulement à la structure (eh oui!) de la relation d'amour ou d'amitié: elle nécessite la réciprocité. Si j'aime quelqu'un et que celui ci reste insensible à mon affection, il n'y aura ni amour ni amitié... Pareille avec l'Eglise et le Monde (le Malin). Donc pas d'illusion. Même si vous changez la 'structure' de l'Eglise chaque fois que le 'monde' vous le demande, il n'est pas certain que le 'monde' vous embrassera. N'est-ce pas justement le 'monde' qui prône le divorce et le droit au 'bonheur solitaire'? Cela fait réfléchir.
Présentation du livre sur la couverture:
«- poursuivre une oeuvre d'imagination théologique et canonique qui débouche sur des propositions très concrètes, dans tous les champs qui inquiètent le chrétien d'aujourd'hui: statut du mariage et problèmes du divorce, autonomie relative de la vie religieuse dans l'Eglise, possibilités d'initiative locale en matière de mission, de catéchèse et de liturgie, autonomie de la théologie, collégialité des évêques, célibat sacerdotal, espace réel d'un magistère, réforme des institutions nécessaires à l'exercice du Primat de Pierre...
Ainsi, sans rien céder de ce qui est d'institution divine et sans rien perdre de son radicalisme évangélique, l'Eglise offrirait un visage renouvelé et porterait une parole crédible. Non seulement elle évangéliserait, mais elle proposerait quelque remède aux inquiétudes de la modernité.»
Une première remarque: c'est le 'non seulement... mais' qui blesse. A-t-on le droit de séparer l'évangélisation des 'remèdes aux inquiétudes de la modernité'? Y a-t-il autre remède pour l'humanité malade du péché que précisément l'évangélisation, c'est-à-dire l'annonce de la Bonne Nouvelle, de la Rédemption?
Ensuite, il est clair qu'il s'agit là de voeux pieux. L'A. veut justement introduire dans l'Eglise la grande maladie et la cause de cette grande maladie de notre société, à savoir la 'démocratie'. Justement, l'Eglise est devenue malade à cause de l'introduction de la démocratie: le soi disant pouvoir du peuple, comme l'Eglise c'est le peuple... L'A. oublie que même la société démocratique a sa structure hiérarchique: d'abord l'existence des groupuscules de pression et d'intérêts inamovibles qui souvent restent en place indépendamment des couleurs affichées par les politiques, ensuite le président de la république, le président de l'assemblée, les présidents des groupes parlementaires, le président du sénat, les préfets, les différentes 'hiérarchies démocratiques'... Tiens, est-ce vraiment le peuple qui gouverne dans les démocraties? Est-ce le peuple qui se permet d'être cocu, d'être imposé d'une façon exorbitante, d'être volé (des milliards de vols), d'être escroqué? Il faut être vraiment naïf pour croire que c'est vraiment le peuple qui gouverne. Le peuple n'a jamais gouverné et il ne gouvernera jamais. Il y a des meneur du peuple qui gouvernent, tout comme dans les régimes révolutionnaires.
Les démocratie avec leur pluralisme prônent le relativisme, elles détruisent tout idéal; c'est la société la plus pauvre (au point de vue morale et intellectuel), car elle est fondé sur les opinions. S'agit-il vraiment des opinions spontanées du Peuple? Loin de là: il s'agit des opinions inculquées par les médias et par les démagogues et par leurs discours démagogiques.
Justement, le vrai remède pour notre société serait le rétablissement des valeurs hiérarchiques, avant tout celle de la Vérité qui par le relativisme des opinons est sans cesse bafouée. Il faudrait rétablir aussi le respect des autorités, le respect des vrais autorités
Est-il vrai que la 'démocratie' est le système de liberté totale? Première question: la démocratie est-elle obligatoire, oui ou non? Si elle est obligatoire, alors ma liberté de choix d'une autre forme de société est d'avance tronquée. D'autre part, les démocraties comportent aussi des contraintes. Malgré l'apparence, malgré ce qu'affirme continuellement le discours démagogiques qui maintiennent la démocratie, celle-ci est plein de tabous auxquels on n'a pas le droit de toucher. Donc liberté entravée... Le slogan 68: 'il est interdit interdire' comporte aussi un tabou essentiel: "l'interdiction qui est 'interdite'": on n'a pas le droit d'interdire "l'interdiction d'interdire"... C'est l'incohérence logique, c'est la contradiction même de toute prétention à la liberté absolue...
Il n'existe qu'un Absolu: Dieu; il n'existe qu'une seule liberté absolue: celle de Dieu. C'est cette vérité fondamentale que veut occulter tout discours démagogique.